Réseaux sociaux dans l’entreprise.fr : les 5 obstacles culturels

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Il s’agit d’un questionnement qu’avait déjà soumis Bertand Duperrin depuis son blog dans la préparation de cet évènement : quelles sont les spécificités de l’entreprise française qu’il convient de prendre en compte dans la mise en oeuvre de réseaux sociaux dans l’entreprise.fr.

Comme le rappelle le slide illustrant ce billet, cette approche n’implique pas seulement des outils collaboratifs mais aussi un changement profond dans notre relation au travail au sein d’une organisation.

La réponse aux spécificités françaises tient en 5 obstacles culturels majeurs. Bien sûr ces obstacles existent aussi dans d’autres cultures mais pas de manière aussi particulièrement saillante que chez nous et ce pour plusieurs raisons, développées ci après.

1 – Un rapport passionnel au travail

Le séminal Capitalisme d’Héritiers de Thomas Philippon (professeur d’économie à l’université de New York et l’école d’économie de Paris), rappelle que de tous les pays de l’OCDE, la France est celui pour lequel l’activité professionnelle joue le rôle le plus important dans la vie de ses citoyens. (étude du World Value Survey)

Cela a un écheveau de conséquences évidentes :

  • l’importance du statut professionnel dans la construction de l’identité,
  • l’importance accordée à la hiérarchie non pour ce qu’elle est (un système d’organisation du travail collaboratif) mais comme révélateur de réussite sociale, ce qui a des effets pervers et politiques
  • la terreur à l’idée de perdre son emploi, terreur évoquée non seulement par l’essai de Philippon mais aussi par celui, non moins remarquable de Gérard Grunberg. Si mon travail est ce qui me caractérise le mieux dans mon identité, le perdre correspond à un perte d’identité. Cela implique une réticence maladive à partager l’information dans le but de se rendre indispensable. De plus il s’agit là d’un frein à l’évolution latérale au sein de l’organisation et, partant, d’un accélérateur de sclérose
  • L’incapacité à différencier son travail de ce qu’on est. Ainsi ce rapport affectif au travail rend très difficile la critique et crée bon nombre de conflits. Dans le domaine de l’informatique, les anglo-saxons ont créé le manifeste de l’egoless programming pour sensibiliser sur ce point
  • l’incapacité à reconnaitre ses erreurs, aptitude pourtant essentielle dans la fluidification des rapports professionnels.  Et dans l’enrichissement personnel car cette incapacité est le symptôme d’une réelle difficulté à se remettre en cause.

Problème pour l’Entreprise 2.0 :

  1. Accepter une structure à plat, où l’importance accordée à l’interlocuteur n’est plus proportionnelle à l’intitulé du poste mais à l’autorité acquise avec la contribution objective.
  2. Accepter la notion d’émergence, le fait qu’il n’y a pas un grand architecte qui définira en amont ce que sera la topologie de diffusion et échanges des informations.
  3. Accepter qu’on ne passera pas des heures à définir des processus pour rassurer le management. Mais qu’au contraire il y a aura une organisation agile qui ne sera jugé qu’à l’aune de sa productivité.
  4. Accepter pour la hiérarchie, une communication et des préconisations qui viennent des forces productives (i.e bottom-up).
  5. Convaincre de l’importance primordiale de partager l’information lorsque c’est identifié par certains employés comme l’assurance de conserver leur emploi et par des managers comme un instrument de contrôle.

2 – Une culture de la relation hiérarchique conflictuelle

Encore une fois, l’ouvrage de Thomas Philippon nous indique une piste passionnante et cite les travaux du sociologue britannique Colin Crouch dressant un comparatif saisissant entre 1) les pays où sont entretenus les relations hiérarchiques les plus conflictuelles dans le travail et 2) les pays pour lesquels les syndicats ont été autorisés le plus tard. Ainsi :

Dans l’échantillon des 15 pays étudiés par Crouch, la classification en fonction de de l’attitude des états vis à vis du développement syndical entre 1870 et 1900 explique 53% de la variance des opinions des managers sur les relations sociales dans l’entreprise en 1999. Les pays où le développement syndical au XiXème a été faible et tardif sont précisément ceux qui souffrent de relations sociales conflictuelles. Réciproquement les pays où les syndicats se sont implantés rapidement sont ceux qui aujourd’hui ont des relations sociales constructives.

Ainsi les pays latins d’Europe dont la France où les syndicats ont vu leur levée d’interdiction la plus tardive, sont aussi les pays pour lesquels on trouve les relations hiérarchiques les plus conflictuelles.

Problèmes pour l’entreprise 2.0 :

  1. Difficulté de mettre en oeuvre une culture de l’ouverture, du partage et de la transparence dans un climat conflictuel.
  2. Difficulté à concevoir un rapport pacifique et constructif à travers les niveaux hiérarchiques
  3. Possibilité pour les employés d’identifier ces plateformes comme des outils de surveillance sur l’activité.
  4. Barrière à l’adoption et réticence au changement

3 – La société de défiance

Il s’agit d’un ouvrage des universitaires Yann Algan (enseignant à Sciences-Po) et Pierre Cahuc (à Polytechnique). Hypertextual en a déjà parlé ici. Cet ouvrage explique comment la France est un pays où culturellement se perpétue une défiance permanente, pour des conséquences inquiétantes.

Baseline : En France bien plus que dans n’importe quel autre pays riche, on se méfie de ses concitoyens, des pouvoirs publics et du marché. Cette défiance va de pair avec un incivisme bien plus ancré dans les mentalités et constaté dans les actes.

Accessoirement la confiance est avant tout un élément essentiel du succès d’entreprises commerciales comme le rappelle Kenneth Arrow, enseignant à Stanford et prix nobel d’économie 1972.

« Virtuellement tout échange commercial contient une part de confiance, comme toute transaction qui s’inscrit dans la durée. On peut vraisemblablement soutenir qu’une grande part du retard de développement économique d’une société est due à l’absence de confiance réciproque entre ses citoyens. »

Problème pour l’entreprise 2.0 :

  1. Difficulté de mettre en oeuvre une culture de l’ouverture, du partage et de la transparence dans un climat de défiance perpétuelle.
  2. Faire comprendre que la confiance au sein de l’entreprise peut exister et que cela aboutit à une relation gagnant-gagnant
  3. Faire entendre aux DSI, pour citer le totem Cluetrain Manifesto (la thèse 41), que la religion de sécurité empêche moins des fuites vers la concurrence qu’une plus grande et plus fertile communication au sein des employés et entre les employés et le marché.

4 – La diabolisation de l’entreprise

Il s’agit là encore d’un trait culturel prononcé et caractéristique de notre société : l’entreprise et l’entrepreunariat sont diabolisés bien plus que dans n’importe quel autre pays riche. Les exemples sont légions. Hypertextual a adressé cette caractéristique à plusieurs reprises.

Il y a de nombreux exemples, mais nous n’en conserverons qu’un  : le remplacement en France (et en France uniquement) de la compétence “esprit d’entreprise” par “autonomie” dans le socle commun des connaissances et compétences agréé par les pays de la communauté européenne.

Au delà du système éducatif il persiste une immanence culturelle dans la défiance de l’entreprise et son extension, la mondialisation. Comme le dit le philosophe  Gilles Lipovetsky dans la Société de déception :

Dans notre modèle colbertiste-jacobin-interventionniste, l’économie de marché, la culture du profit, n’ont jamais été acceptées. La puissance publique est reconnue comme l’appareil suprême de l’unité et de la cohésion sociale, l’instance productrice du bien public et du lien social. Or la mondialisation heurte de front le modèle de l’état producteur de la nation. Les Français vivent la globalisation économique comme un violence faite contre eux, véritable menace de disparition de leur identité nationale.

De manière plus prosaïque cette défiance est représentée tous les soirs à 20:00 dans les guignols de l’info, ce depuis 20 ans : une vision caricaturale de la vie d’entreprise et de la mondialisation avec leurs représentants de la World Company.

On trouve aussi régulièrement des oeuvres de l’industrie artistique telles que le film La Question Humaine, pour prendre un exemple récent, où est établit le plus simplement du monde une analogie entre l’entreprise et la Shoah.

Un peu comme la défiance et l’incivisme, il s’agit là de conséquences directes de la main-mise particulièrement pregnante dans le pays des Derrida, Foucault et Baudrillard de la pensée contre-culturelle sur notre appréhension de la société de marché : cet aspect est particulièrement bien montré par les universitaires canadiens Joe Heath et Andrew Potter dans leur remarquable ouvrage La Révolte Consommée.

Problème pour l’entreprise 2.0

  1. Faire comprendre à une population éduquée dans une culture de diabolisation du marché que non, tout le système n’est pas vicié et qu’il existe des entreprises en France comme ailleurs où les employés sont ravis de leur emploi, de la place qui leur est faite et de leur capacité à s’épanouir. Et qu’une approche ouverte et collaborative peut servir de levier pour y parvenir.

5 – La réticence à partager l’information chez les élites

Pour ce dernier point, ma perception est plus  diffuse et ne dispose pas de l’assise théorique des précédentes. Il s’agit plus d’un ressenti discuté ici . Elle renvoie à cette description de Jon Husband dans son essai Wirearchy qui rappelle comment depuis toujours dans les société humaines l’exercice du pouvoir est passé par le contrôle de l’information.

La France est une société qui a une tradition de formation des élites avec les grandes écoles érigées sous l’ère Napoléonienne. Ainsi avons-nous une population qui est passée par des sacrifices et des efforts importants pour accéder à des statuts importants dans la république, statut leur octroyant si ce n’est l’exclusivité tout au moins la primauté à l’accès à la  connaissance et à l’information.

Cela nous mène des journalistes aux scientifiques ou plus généralement en ce qui nous concerne ici, les diplômés des grandes écoles qui forment l’essentiel des dirigeants d’entreprise.

Problème pour l’entreprise 2.0 :

  1. Le manque de disposition de ces élites à accorder, si ce n’est du crédit, tout au moins du temps d’écoute à des individus qui n’en font pas partie. Et qui grâce à internet ont la possibilité de développer des compétences très pointues dans des domaines particuliers
  2. Le discrédit systématique de sources de connaissance “non officielles” – eg wikipedia, etc … qui  sont, de plus, perçues comme une menace tendant à déposséder l’élite d’un privilège atavique de primauté d’accès à l’information
  3. Une culture de l’élitisme qui se dresse en obstacle à la mise en place de la convivialité comme l’évoque Valery Giscard d’Estaing dans cet entretien avec François Mitterand de Décembre 1995, entretien tiré de son ouvrage Le Pouvoir et la vie :

V. Giscard D’Estaing : Que regrettez vous de n’être parvenu à changer ? F. Mitterand : L’entreprise. Je n’ai pas réussi à la changer. Les rapports restent beaucoup trop hiérarchiques, distants.  Les dirigeants méprisent leur personnel, il n’y a pas de convivialité.

Que faire ?

Comment surmonter ces obstacles dans la mise en oeuvre de réseaux sociaux au sein de l’entreprise.fr ? Je ne sais pas trop mais une chose est sûre : la pédagogie ne peut pas faire de mal.  Sensibiliser les cadres et employés de l’entreprise au fait que ces éléments ne sont pas co-substanciels à l’entreprise mais plutôt aux particularismes de l’entreprise.fr. Puis montrer que l’on peut vaincre le fatalisme par une mise en oeuvre graduelle, jonchée de petites victoires.

Hypertextual demeure toutefois désespérément optimiste, et ce pour une raison : l’open-source. Quel meilleur exemple de travail collaboratif sans hiérarchie, mû par la passion, de qualité remarquable et reconnue ? Dans un des pays où la culture de l’open source est la plus développée, que ce soit au niveau de la contribution ou de l’utilisation, ces 5 obstacles rejoignent ces  paradoxes qui donnent à notre pays ce charme unique, ambigu (et épuisant).

29 Comments

  1. “…par une mise en oeuvre graduelle, jonchée de petites victoires”, c’est effectivement de cette façon que l’on assistera à un changement des pratiques.

  2. Bonjour, Bertand. Merci pour ce message et bienvenu sur Heavy Mental.

    Zorgh : oui le principe même du developpement agile et le Perpetual Beta. Merci pour le commentaire et bienvenu à toi aussi.

  3. C’est la somme de tous ces blogs posts, de toutes ces présentations et de leurs résultats qui feront changer les choses. Merci de partager cet excellent travail.

  4. Excellent post – construit, profond, argumenté.
    Agaçant à quel point ça fait écho sur le vécu même 😉
    (“réticence à partager l’info” entre autres).

    merci de partager ces recherches et réflexions!

  5. Bonjour Armel,

    Sois la bienvenue sur Heavy Mental.

    Merci pour ce commentaires très encourageant et tellement inattendu (rires).

    Au sujet des élites, il y a cette belle phrase de Jacques Attali dans Une Brève Histoire de l’Avenir : “(…) la jalousie qu’inspire cette élite que l’on veut à la fois décapiter et infiltrer”.

    Merci aussi à toi pour le bambou pensant.

  6. Bonjour, merci pour cet article qui fait notamment une très bonne synthèse sur les obstacles culturels français. Il faut malheureusement être étranger ou revenir d’expatriation pour en prendre conscience.
    On réalise alors à quel point il y a en France, comme vous dites, “une réticence maladive à partager l’information dans le but de se rendre indispensable”…
    (Pour info, votre article fait l’objet d’une discussion intense sur linkedin au sein d’un groupe de discussion consacré aux risques interculturels)

  7. Marion > merci pour le commentaire. Je en pourrais malheuresement pas commenter sur votre blog.

    GRI > Merci pour le commentaire et ravi de voir que l’article a suscité une discussion sur linkedin.

  8. Je trouve ces cinq pistes très éclairantes pour la réflexion.
    Peut-être avez-vous réfléchi à leur traduction politique.
    Ces idées peuvent-elles irriguer,
    * les partis de gauche ?
    * un parti de gauche ?
    * une nouvelle structure à promouvoir pour 2017 ?

  9. Bonjour Baillargeau,

    Je n’en n’ai aucune idée, cela dépasse complètement mon domaine de compétences.

    Le point 4 reproduit les idées développées par deux articles en particulier (le second sur lequel vous avez déjà posté un commentaire). Ces deux billets sont inspirés, d’une citation DSKienne : “il faut en finir avec le surmoi marxiste”.

    Sur l’echelle de la gauche, à partir de Benoit Hamon, jusqu’à Bensancenot etc … le combat est perdu d’avance. En l’occurence, on a moins besoin de ce côté là d’un nouveau parti politique que d’une psychanalyse.

    Un livre extraordinaire sur tous les impensés de la gauche est celui de Gerard Grunberg et Zaki Laidi du crew Telos-eu.org : Sortir du pessimisme social. J’en parle ici.

    Et leur position aujourd’hui c’est que la seule personne à gauche portant un regard neuf et courageux (triangulation etc …) est Ségolène Royal.

  10. Excellent, et même très fort de s’appuyer sur les autres billets pour étoffer “cette synthèse”.

  11. Merci David,

    En fait il s’avère que la thématique Entreprise 2.0 me permet de faire une synthèse naturelle entre quasiment tous les sujets qui m’ont fait réfléchir et blogger depuis 30 mois maintenant.

    Du coup c’est pas vraiment du jonglage pour faire de l’auto promo, juste le plaisir d’assembler des réflexions jusque là disparate pour servir un sujet.

  12. Cecil,

    bravo pour ton analyse.

    Je pense qu’une partie de nos craintes et de nos réticences peut venir de ces différents points. Je pense qu’ils sont ancrés dans notre histoire et notre culture.

    Ceci dit je suis optimiste… Pour ma part, je pense qu’il y a un certain travail d’éducation à mener au niveau de de nos élites et de nos dirigeants. C’est à ce niveau là qu’il faut travailler, car ce sont principalement eux qui pourront faire évoluer les cultures d’entreprises, et par là notre culture commune. C’est l’affaire d’une ou deux générations, ce qui n’est rien quand on a notre histoire 😉

    Ce qui n’empêche pas bien sur de travailler aux autres niveaux comme tu l’évoques très justement : “Sensibiliser les cadres et employés de l’entreprise au fait que ces éléments ne sont pas co-substanciels à l’entreprise mais plutôt aux particularismes de l’entreprise.fr. Puis montrer que l’on peut vaincre le fatalisme par une mise en oeuvre graduelle, jonchée de petites victoires.”

  13. Bonjour Alain, merci pour ton commentaire.

    Je suis aussi optimiste. Non pas parce que nos dirigeants vont finir par être à l’écoute, mais parce que ces changements surviendront inéluctablement, qu’ils le veuillent ou non.

    C’est l’affaire d’une seule génération. Je ne sais plus qui disait que la valeur d’un réseau était proportionnelle au carré du nombre d’utilisateur. Il en va de même pour la généralisation des principes et concepts. Les choses vont beaucoup, beaucoup, plus vite qu’au siècle dernier.

    Il nous reste donc 1 génération. Les changements ont débuté en 1995. Il reste donc 5 ans environ pour compléter ces changements.

  14. Cecil,

    J’aimerai t’entendre, mais je pense que tu es trop optimiste avec ces 5 ans… Il y a tellement de résistances….

    Pour ma part, je pense que ça doit être travaillé de l’intérieur, par en haut, et ne pas compter uniquement sur le renouvellement naturel des générations…. car en ce cas, on a besoin de 30 ans… le temps que GenY arrivent aux commandes…

    Fort heureusement, ce n’est pas le seul levier dont on dispose pour faire bouger les choses et accélérer ce changement de culture 😉

  15. Il y a peut-être un peu d’espoir?
    Lors d’un débat récent à la Maison des Arts et Métiers sur le thème de l’enterprise et les réseaux sociaux organisé par le G9+ (asso IT des grandes écoles), la soirée de clôture se jouait à guichet fermé (300 personnes, entrée payante). Le ton général était plutôt optimiste. La moyenne d’âge frisait les 40 ans.

    Pour avoir vendu et installé des réseaux sociaux en entreprise en 2009, en open source qui plus est (un argument très porteur), dans deux grandes organisations (un groupe d’assurance toujours là pour moi et une caisse où l’on dépose et consigne), je peux témoigner n’avoir rencontré que de l’enthousiasme et de la curiosité. Certes, l’échantillon est peu significatif mais la demande s’accroit. Le fait que nous étions sur des budgets non contrôlés par les DSI d’une part, que les demandeurs étaient les directions RH d’autre part, a certainement joué en notre faveur.

    Votre article est un régal, je l’ai lu avec beaucoup de plaisir mais je pense qu’on a malgré tout affaire à un phénomène inéluctable en pleine accélération, en France y compris.

    Une société comme Jive Software, spécialisée sur ce créneau, compte déjà plus de 2000 clients, principalement aux Etats-Unis. Les initiatives françaises se multiplient, les projets pilotes se mettent en place un peu partout, principalement dans les grands comptes.
    Là où je vous donne raison, c’est qu’ils touchent encore principalement l’élite de l’entreprise, ces réseaux sociaux étant encore souvent réservés aux “cadres à haut potentiel”, touchant moins de 5% de la masse salariale.

    Ne rêvons pas, les cloisonnements existeront toujours au sein des grandes entreprises, en France comme ailleurs, et l’on ne verra sans doute jamais de réseau social d’entreprise égalitaire dans un grand compte, où l’hotesse d’accueil côtoierait le PDG.
    Mais les directions générales disposent désormais d’un outil permettant de faire sauter les baronnies et autres fiefs, qui sont une nuisance bien réelle. Avec l’aval des actionnaires.
    C’est déjà ça, non? 🙂

  16. Bonjour Gilbert,

    Merci beaucoup pour ce commentaire et ce témoignage qui donne une perspective pratique sur ce problème.

    Le blocage de la DSI est en effet un point fondamental : les contourner pour passer par les RHs est une excellente idée à méditer dans le cadre des projets d’implémentation. C’est Lee Provost de l’agence headshift en GB (http://www.headshift.com/blog/2009/11/divide-and-conquer-to-solve-th.php) qui propose la meme approche.

    C’est pragamatique et ca marche mais ca montre tout de même qu’il y a un sacré probleme avec la DSI ! A méditer pour un prochain billet …

  17. Je tente une idée, comme ça…est-ce que face à cet “esprit de défiance” très français envers l’entreprise et la logique entrepreneuriale, l’apparition et la multiplication des “auto-entrepreneurs” ne va-t-elle pas opérer un changement à plus ou moins long terme de notre “surmoi marxiste” ?

    Bien évidemment, il faut pour cela envisager que le statut d’auto-entrepreneur fasse la preuve de sa viabilité et qu’il ne confirme pas les craintes de certaines Cassandre qui voient déjà dans ce nouvel outil le retour d’un “lumpenproletariat” déguisé.

    Dans mon entourage, 2 amis de moins de 28 ans et dans des activités touchant à l’informatique se lancent dans l’aventure – Précisons ici que nous sommes issus de la classe moyenne, avec des parents salariés mais loin des C++ – Peut-être sont-ce là les premices d’un nouveau rapport à l’emploi, à l’innovation nécessaire, bref à “l’esprit d’entreprise” ?

    Car ce qui fausse le jugement, c’est aussi la distance mise/entretenue entre employés et dirigeants qui ne débouche que trop souvent sur le conflit et les seuls rapports hiérarchiques, germes de toutes les rancoeurs et de bien des fantasmes.

    Avec l’auto-entrepreneuriat, c’est l’expérience du management, du leadership, (même si l’on est “que” son propre patron) et de la prise de décision qui descend dans la rue et qui s’invite dans les discussions et les réunions familiales.

    Les activités étant tellement étendues (de la coiffeuse au consultant), on peut imaginer que cela influe sur la façon dont le français moyen se représente cette notion : l’entreprise.

    Les derniers chiffres dont j’ai entendu parler en Juillet 2009 avançaient le nombre de 160 à 180 000 statuts d’auto-entrepreneurs effectivement créés (dépôt de SIRET).

    Wait and see.

  18. Mon Dieu Joseph,

    Je n’avais pas répondu à ton message. Je manque à tous mes devoirs.

    Cette lancée collective dans l’auto-entrepreunariat est un évènement remarquable.

    D’une part nous n’avions pas trop cette culture et d’autre parts les formalités administratives ont historiquement été redhibitoires. Je crois que c’est Jospin le premier qui a légiféré pour les simplifier. Mais ces derniers changements faisant que l’on a qu’un seul interlocuteur est une très bonne chose.

    Je pense aussi qu’elle marque un désamour envers l’entreprise et le peu de confiance qu’on leur accorde dans un monde globalisé. Peut-être qu’effectivement du coup l’hyper local est une réponse.

    Mem si culturellement celà permet de changer les choses, reste qu’à mon sens, structurellement au niveau éducatif nous manquons de formation aux problématiques d’entreprise. Comment prospecter, comment communiquer, comment gérer sa clientèle, gérer la qualité etc …

    Et quand on connait l’aversion dans laquelle le système éducatif tient l’entrepreunariat on se dit que là encore ce n’est pas joué.

  19. Merci pour ce post, j’ai bien rigolé, tout les poncifs possibles y sont présents. Mention spéciale à Joseph Pujol et son concept révolutionnaire du self-manager à qui on peut prédire un bel avenir. Transformons tous les employés en auto-entrepreneurs et enfin nous renverserons la pyramide hiérarchique. Bon évidemment on passera d’une relation employeur employé à fournisseur mono client qui favorisera encore moins la communication mais ça c’est une autre histoire.

    Ce qui est rationnel est réel et ce qui est réel est rationnel quand à l’entreprise 2.0 on attends toujours.

  20. Bonjour Anton. C’est bon de rire.

    Parcourons ensemble les poncifs. Quelques questions réelles pour vous vu que vous avez l’air drôlement au jus :

    En france vivons nous dans une société ou on se fait plutôt confiance ou plutôt pas du tout ? La confiance est elle une composante essentielle des relations commerciales : oui/non/peut-être ? Est-ce la même chose dans d’autres pays ?

    Avez vous travaillé dans un autre pays (I mean, pas expat dans une entreprise français) ? Avez vous noté des différences avec le travail en France ?

    En france vivons nous dans un pays où historiquement, les relations hiérarchiques sont plus conflictuelles que dans d’autres pays ? Ou la hiérarchie est bien plus importante et structurante ?

    En France vivons nous dans un pays ou le statut accordé par le diplôme prévaut sur la contribution. Oui/non/peut-être ? Si vous répondez non, je vous présenterez un ami qui a travaillé à EADS il vous expliquera comment dans son département seuls les diplômés issus des Arts&Metiers y progressaient car le directeur de ligne etait lui meme Arts&Métiers. Trouvez vous cela normal ? Ethique ? Bon pour le business ?

    Avez vous entendu parler de Google, Whole Foods Market, FAVI, WLGore ? Savez vous quels sont les principes de management qui y prévalent ?

    Dans le rapport commandité par NKM sur le télétravail, où se positionne la France dans le classement des pays ou est développé le télé-travail ? En haut ? En bas ?

    Dans le classement européen des entreprises où il fait bon vivre combein d’entreprise française ?

    Dans le sondage monster; à la question “Trouvez-vous acceptable de vous approprier le travail d’un autre” quelle est la moyenne européenne de ceux qui ont répondu oui ? Et en france.

    Si vous ne savez répondre à ces questions, je vous invite à googler sur le sujet. Le réel est parfois terriblement indocile.

  21. Très bon article qui donne plaisir à lire, merci pour tous ces liens, au passage et pour l’optimisme aussi (il en faut). Car la réalité en entreprises est (très souvent) compliquée, à cause de la très culturelle, française et installée, résistance au changement qui s’applique encore plus, quand on doit accompagner un changement de paradigme, dans une période critique, où le contexte de vie professionnelle est “intense”.
    Quand on touche à de l’organisationnel et aux mentalités, on doit se préparer à ce que les changements soient longs. Après, ce seront les entreprises qui saisiront cela et qui feront preuve d’agilité qui en tireront les premières, les bénéfices.
    Mais pour être sur le terrain, je te confirme que c’est loin d’être évident… on vit dans un monde à 2 vitesses. Merci pour ce concentré, en tout cas, je partage.

  22. J’ai beaucoup apprécié votre article. L’ayant découvert dans un « réseau social » que l’équipe innovation de mon entreprise a payé la peau des fesses pour une utilisation guère plus intense (1 à 3 messages par jour pour 300 membres !) ni plus intelligente que celle d’un vulgaire « google group », cela ne manque pas de sel. J’imagine que le collègue qui l’a posté a voulu ainsi pousser un cri, en évitant soigneusement de s’investir personnellement, puisqu’il a juste commenté le fait que « cet article est intéressant ».
    Je me permets cependant quelques commentaires.
    J’ai été surpris de lire comme premier argument que les Français avaient « un rapport passionnel au travail ». Cet élément est pour moi une découverte, et cette découverte m’amène à dire que ce n’est pas au travail que le rapport est passionnel, mais à l’emploi, ce qui n’est pas tout à fait la même chose !
    Nous sommes effectivement dans une société dans laquelle le statut professionnel est fondamental dans la construction de l’identité. Et la raison de cela ne se trouve pas dans les entreprises qui structurent cette société, mais dans la société elle-même. La caractéristique essentielle de notre société est qu’elle est fondée sur l’égalité et la laïcité. La société égalitariste française s’est mise en place dans la négation des provinces annexées au royaume, puis des peuples colonisés, qui nous peuplent aujourd’hui aussi largement. Il n’y a donc pas beaucoup de sources « légitimes » ou « légales » d’identité que l’entreprise à laquelle on appartient.
    La vision anti-communautaire qui caractérise notre pays a également pour conséquence qu’il y a peu de solidarités en dehors de celles que l’on peut construire dans l’entreprise, dans le cadre du réseau hiérarchisé de ceux qui sont « in », comme dans le cadre de la solidarité protestataire de ceux qui sont « out ».
    La terreur de perdre son emploi est donc réelle. D’une part, la durée moyenne du chômage en France est particulièrement longue, comparée à d’autres pays, puisqu’il faut dans notre pays une année entière pour retrouver un emploi. La terreur est donc économiquement justifiée. Le deuxième élément de la terreur, c’est que tout CV indiquant ce type d’accident dans une carrière vous dévalorise définitivement. La terreur est donc socialement justifiée.
    Pour ce qui concerne l’affectivité dans son travail, j’aurai une vision plus complexe encore que celle que j’ai exprimée, qui est fondée sur mon expérience de travail dans des pays germaniques et anglo-saxons d’une part, dans des pays latins d’autre part. Au nord, il y a une très nette distinction entre la vie privée et la vie professionnelle. On a des horaires qui respectent encore un peu les rythmes familiaux, et on a un rapport relativement objectif au travail. Au sud, il n’y a aucune distinction entre la vie privée et la vie professionnelle. Les deux vies s’interpénètrent facilement. Le problème de la France, c’est qu’aucun des deux comportements ne domine, au contraire, les deux co-existent largement, ce qui est source permanente de conflits… Certains patrons réclament en permanence des preuves d’amour, d’autres non. Cette confusion fait que l’on ne sait jamais si ce qui est critiqué, c’est le travail, ou son comportement, son être même. Résultat, que l’on soit fana du « le travail au bureau, la vie après », ou du « le travail et la vie, c’est la même chose », on réagit toujours mal, même si, il convient de l’observer de plus près, on réagit différemment.
    La seule manière de se sortir de ce piège, c’est donc de prendre en compte ces différences culturelles internes aux Français, et construire deux types d’entreprises 2.0, les entreprises légères, à l’italienne, mais également conviviales et agiles… et les entreprises lourdes, à l’allemande, mais également respectueuses et efficaces.
    Votre analyse sur l’aspect particulièrement conflictuel de l’entreprise est tout à fait juste. Il est clair qu’en France le syndicat reste (encore aujourd’hui) tout juste toléré, et que ceci a des conséquences catastrophiques pour nos entreprises.
    Mais je fais le lien avec mon commentaire précédent : c’est l’absence d’une réelle identité française qui a généré, d’une part, la mise en place d’un gouvernement de l’entreprise particulièrement hiérarchique et autoritaire, et d’autre part, la multiplication des chapelles syndicales.
    La seule solution (pourtant fortement critiquée) est celle qui a été mise en œuvre à EdF : donner aux syndicats un nombre important de services à gérer, et discuter ensuite avec eux entre gestionnaires. Je peux vous dire qu’un anarco-écolo salarié à EdF ne manifeste ses opinions que sur la société en général, en aucun cas comme élément de critique à son entreprise, qu’il respecte profondément.
    Vous citez ensuite la société de défiance, en vous appuyant sur l’excellent ouvrage d’Algan et de Cahuc, que j’ai lu et étudié de près.
    Pourquoi croyez vous que je fasse mes commentaires sur votre blog et pas sur celui qui doit permettre à l’équipe à laquelle j’appartiens d’échanger et de collaborer. Parce que je vais automatiquement, soit générer des jugements (je ne peux savoir à l’avance s’ils vont être négatifs ou positifs) et que ces jugements seront justement corroborés par les jugements précédents selon lesquels je prends trop le risque de n’être pas comme les autres…
    N’oubliez pas l’importance des traces historiques. En Angleterre ou aux Etats-Unis, tout le monde a combattu vertueusement le nazisme et défendu victorieusement les valeurs démocratiques. En Allemagne, tout le monde s’est laissé entraîner dans le nazisme et chacun a depuis fait son mea culpa. C’est un peuple honteux qui s’est réfugié dans l’industrie, toute autre identité étant dangereuse. Et maintenant la France ? C’est le chagrin et la pitié. C’est la résistance et la collaboration. Ce sont les dénonciations, les règlements de compte, les ralliements de dernière minute. Et en outre, aucun travail sérieux n’a été fait pour régler ces comptes. Il importait que la France soit résistante pour être dans le camp des vainqueurs et non collaborationniste qui aurait pu la placer dans le camp des vaincus.
    Franchement, y a-t-il de quoi bâtir la confiance dans une telle société ? Et les promesses non tenues des présidents de gauche comme de droite n’ont pas amélioré le capital de confiance du pays…
    On ne peut donc pas se lamenter sur l’absence de confiance sans creuser profondément les causes qui font que chaque jour apporte aux Français la confirmation qu’il ne faut pas faire confiance aux autres.
    Tant que le compromis salarial était centré sur des procédures et processus stricts, on pouvait imaginer qu’un bon ouvrier distribuant à la sortie de l’usine un tract contre son capitaliste de patron était le meilleur moyen de faire tourner le pays. Mais aujourd’hui, on demande beaucoup plus, puisqu’il s’agit de partager les « valeurs » et les « objectifs » de l’entreprise. Et là, l’accord n’existe pas. On fait au mieux semblant… Et de faux semblants en faux semblants, à qui faire confiance ?
    La seule solution n’est donc pas que l’on fasse à l’anglo-saxonne, avec une vision « objective » et « utilitariste » du travail et de l’entreprise, mais que l’on prenne en compte ce qui jusqu’à maintenant est strictement interdit dans l’entreprise, à savoir la « citoyenneté » des salariés, leurs différentes « opinions politiques », leurs « projets personnels », et qu’on travaille non pas à déverser des tonnes de « communication interne », mais à reconnaître que pour se parler et se faire confiance, il faut d’abord se reconnaître comme différents… Ensuite, il ne suffit plus qu’à articuler les projets individuels avec des projets plus collectifs, et ainsi de suite…
    Vous citez ensuite la notion de « diabolisation de l’entreprise ». Là, je pense qu’il s’agit d’un argument qui pouvait être valable il y a quelques décennies, mais qui me paraît aujourd’hui éculé.
    Je pense au contraire que d’immenses changements ont eu lieu. L’entreprise est devenu un véritable idéal pour nombre de Français, mais un idéal difficile à atteindre, semé d’embûches, dont les principales sont le refus du droit à l’échec, la bureaucratie, et le sentiment que seule la fonction publique permet d’apporter des garanties suffisantes pour une vie confortable et sans risque.
    Le problème est donc la survalorisation du fonctionnaire plus que la sous-valorisation de l’entrepreneur. Et là aussi, cela bouge. Cette survalorisation du fonctionnaire vient aussi de la survalorisation du politique. Il n’y a qu’en France qu’un Président se fait élire sur un slogan aussi stupide que la relance du pouvoir d’achat, ou qu’un gouvernement a pu penser résoudre le chômage par les 35heures.
    Cette survalorisation du politique vient du fait que la France, divisée au plus haut point, ne se conçoit que comme un combat permanent et que les luttes de pouvoir dans notre pays, une succession infinie d’alternances, est la manifestation la plus autorisée, et en conséquence la suprême manifestation de cette division. Dans ce combat, les entreprises ont trop souvent toujours choisi le même camp. D’où cette défiance par rapport aux entreprises. On arrive au paradoxe que l’entrepreneuriat est un idéal valorisé, mais difficile à atteindre, et l’entreprise l’expression d’un choix dans le conflit politique, qui lui est central.
    En conséquence, ne nous lamentons pas de l’emprise de la pensée contre-culturelle.
    La faiblesse de la solution proposée sur ce point est à la hauteur du « faux » problème qu’elle prétend résoudre. Il n’y a rien à faire comprendre. Il y a juste à aider ceux qui entreprennent à réussir, à encourager ceux qui échouent, et à leur permettre de tenir un discours qui ne les place pas d’emblée dans le camp de ceux qui dominent le monde et écrasent les autres…
    Le dernier argument sur la réticence des élites à partager est lui aussi faible. Il est d’abord peu étayé, car nos élites ont d’abord la particularité d’être extrêmement fermées et en fin de comptes très solidaires entre elles (cf. l’ouvrage récemment publié des Pinçon). Il n’y a qu’en France que le patron de Véolia peut prendre la direction d’EdF tout en gardant toutes les clés de Véolia…
    Par contre, cette élite est très fermée, et ne communique pas avec le reste du monde. Ou plus exactement, elle ne communique pas autrement qu’en communiquant, ce qui est le contraire de partager des informations…
    C’est aussi cette Bastille là qu’il faut prendre d’assaut !
    Et bien des entreprises peuvent s’y mettre. Mais faut-il qu’elles prennent une position totalement opposée à celle qu’elles ont prise jusqu’à maintenant…
    On n’est donc pas sortis de l’auberge. Mais tous ceux qui, dans l’économie, acceptent de prendre des décisions non directement orientées par l’intérêt des actionnaires ou le souci de la bottom line sont des éléments de transformation de ce monde. D’où l’importance de la prise de conscience que la responsabilité, environnementale et sociale, est inévitable, incontournable, et absolue. L’économie sociale et solidaire, le social business sont tous les deux des éléments de réaction. Mais ils doivent l’un et l’autre se débarrasser de quelques défauts et converger pour industrialiser leur développement.
    La non-productivité de nos entreprises atteintes de ces cinq maux est donc aussi une chance à saisir ! Pour construire autre chose… ce qui est le propre de ce que la France a toujours su faire. Autrement, autre chose…

  23. Bonjour Lucille,

    Merci pour votre commentaire. Le changement sera long mais il est en route. Pour preuve : le déni à l’encontre de ces outils. Le déni est en effet la première étape du processus de changement.

    Bonjour DJ > Mazette ! Ca c’est du commentaire ! Merci pour la richesse de l’argumentation.

    Au sujet de l’élistisme, j’en suis intimement convaincu. La société française l’est de façon extrême. Ce qui est intéressant avec l’avènement des réseaux sociaux qui sont vecteur de fluidité sociale, c’est qu’ils provoquent chez les élites une forte réticence. J’en parle dans ce billet au niveau de l’entreprise, ici et avec les intellectuels. Et Eric Scherrer a fait le même constat avec les journalistes lors de la dernière chaire numérique organisée par l’AEC à Bordeaux.

    Le motif de cette réticence des élites ? “Les institutions feront tout pour conserver le problème dont elles sont la solution.” (Clay Shirky).

    Avec l’avènement des réseaux sociaux, le coût de la transaction (Ronald Coase) pour établir et coordonner une action collective est devenu négligeable. Cela remet en cause la raison d’être des institutions (en ce qui nous concerne ici les entreprises) ainsi que le statut des cadres qui ne peuvent plus utiliser le contrôle de l’information comme instrument de pouvoir.

    Pour ce qui est de la diabolisation de l’entreprise, c’est peut-être moins prononcé qu’il y a 20 ans mais ca reste profondément ancré dans les mentalités vous ne m’avez pas convaincu. Les inlassables commentaires sur les suicides de FT, les livres sur l’aliénation de la vie en entreprise (l’Open Space m’a tuer etc …) en sont un symptôme remarquable.

    Le problème à ce sujet : les français sont de médiocres managers. Je vous invite à lire le blog de Michel Volle à ce sujet, c’est une source inépuisable d’information. J’ai écrit quelques billets à ce sujet sur l’obsession de la hiérarchie et du contrôle, l’obsession du politique et le coût de notre héritage révolutionnaire.

    Merci encore pour cette formidable contribution.

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