Culture internet : quelle alternative au modèle californien ?

L’Amérique a colonisé nos inconscients (Wim Wenders)

Un reproche récurrent et pertinent dans les commentaires en réponse aux billets sur le manque de visibilité des intellectuels français dans la réflexion sur internet : on pointe du doigt  une vision biaisée, férocement ancrée dans une tradition culturelle anglo-saxonne.

Dans les années 80, Wim Wenders était considéré comme un des grands cinéastes européens. Le qualificatif Européen est à lire ici en tant qu’indication de non-Américain : des films contemplatifs, poétiques ne répondant pas nécessairement au diktat d’un cinéma Holywoodien à la narration tirée au cordeau.

Pourtant, tout comme la nouvelle vague dont il s’inspire, ce cinéaste reconnaît l’influence fondatrice du cinéma Holywoodien à travers la citation éblouissante qui ouvre ce billet (et des oeuvres telles le fameux Paris, Texas).

Comme Wim Wenders, je me sens profondément Européen. Et comme Wim Wenders pour la culture cinématographique, je me demande s’il existe une alternative au modèle californien pour la culture internet. (note : je ne me compare en aucun cas à lui, hein)

Formulé en d’autres termes : après avoir dominé culturellement sans partage à travers le cinéma notre représentation du monde de fin du XXème siècle, le modèle californien façonnerait-il identiquement notre manière de penser le monde interconnecté ?

Creative Ethos

Dans The Rise Of the Creative Class, ouvrage culte (non traduit en Français), Richard Florida réfléchit à ce qui pousse la classe créative (les ingénieurs, designers, informaticiens, artistes, architectes etc …) à se concentrer dans certaines villes d’Amérique du Nord au détriment d’autres.

Dans le cadre de cette réflexion, il remonte à la notion du creative ethos, cette pulsion créative qui innerve nos sociétés de la connaissance et qui est notre source de richesse.

Selon Florida, le creative ethos contemporain naît de la rencontre entre a) la contre-culture hippie qui s’est installée à San Francisco et b) l’éthique protestante du travail (protestant work ethic). Cette jonction improbable se produit à la fin des 60s en Californie. C’est dans cet esprit qu’apparaissent des technophiles et entrepreneurs aussi improbables que Steve Jobs, Paul Allen, Steve Wozniak or Gordon Moore (qui avant d’énoncer sa fameuse loi était réputé en Californie pour son inlassable action pacifiste).

Des génies hippies, chantés par des auteurs aussi radicaux que Richard Brautigan (les poèmes du recueil  All watched over by machines of loving grace) et qui nulle part ailleurs qu’en Californie n’auraient été pris au sérieux

Ce Creative Ethos fonde bien entendu la culture internet, avec les valeurs décrites dans le billet consacré au sujet : méritocratie, esprit d’entreprise, pragmatisme, simplicité, post-idéologie et foi en l’avenir.

Si ces valeurs s’étaient avérées incompatibles avec la technologie, nul doute que le darwinisme implacable du réseau s’en serait délesté. En conclusion : ces valeurs sont là pour rester.

Gay, créatif et technologique

La théorie de l’essai de Florida, inspirée des travaux de Robert Lucas (prix nobel) et Jane Jabos : c’est le capital humain des classes créatives qui enrichit les régions, ce ne sont pas les entreprises qui s’y installent : ces dernières ne font que suivre les classes créatives. Et ces dernières choisissent leur destination en fonction de trois paramètres : les talents (le taux de personnes éduquées), les technologies (dynamisme de la région dans les industries technologiques) et la tolérance (indiquée par le nombre d’artistes, musiciens et la taille de la communauté gay).

Cet ouvrage insiste ainsi sur la dimension multi-culturelle des régions dynamiques, établissant une relation directe entre le dynamisme de la scène musicale ou de la communauté gay, le taux d’immigration ou la variété des communautés ethniques et la richesse générée par les entreprises dans ces mêmes régions.

Eloge de la trans-disciplinarité

On arrive ici à un point essentiel de l’industrie du monde connecté : les multiples dimensions culturelles de ses leaders.

Des CEO qui jouent du rock (comme dans la convention d’Austin racontée par Florida), des dirigeantes d’entreprise éperdues de Littérature, des diplômés de business school qui créent des frameworks web open source et qui disent f**k dans leurs conférences à Stanford, des informaticiens fascinés de calligraphie, des hackeuses qui citent Hannah Arendt

Il s’agit là d’une dimension multi-culturelle dans laquelle je me retrouve complètement.

L’impossibilité du creative-ethos.fr

Voilà un autre point d’achoppement avec la culture française où il y a bien peu de fluidité socio-culturelle. Chez-nous.fr, chacun reste à sa place, ce brassage n’a quasiment pas lieu. Le creative ethos, cette jonction à l’intersection de la culture pop et de la culture d’entreprise est tout simplement un territoire fantôme et inhabité.

Un élément remarquable noté par Florida : aux US, la vaste majorité des businessmen des nouvelles technologies sont liberals (i.e progressistes et démocrates). Ce sont des personnes foncièrement tolérantes, ayant complètement intégré la culture alternative ainsi que les dimensions multi-ethniques et multi-culturelles des villes créatives. Ce qui donne une épaisseur passionnante à leur réflexion sur le net et aux services et produits qu’ils proposent.

A l’opposée, en France, les businessmen sont très largement conservateurs (mais ils n’ont pas le choix) et n’ont aucune culture pop : ils s’en contrefichent et n’y accordent absolument aucune importance. Sans parler des lacunes républicaines pour ce qui est de dimension multi-culturelle. Nos services et produits hi-tech sont dépourvus de creative ethos : ils sont dépourvus d’âme. Les blogs de nos businessmen sont à pleurer : y passer après avoir lu celui de 37Signals c’est un peu comme regarder Navarro après avoir vu 24 Heures Chrono.

Les artistes (musiciens, cinéastes, etc …), quant à eux, sont chez nous violemment progressistes, volontiers pompeux et engagés (Malheur à l’oeuvre qui défend des causes Nabokov), arc-boutés sur la préservation de l’état comme incarnation de l’égalité républicaine, et ont du mal à résister à la diabolisation systématique de l’entreprise.

Du coup, un évènement tel que SxSW est complètement impensable en France. Une semaine où se superposent à Austin, Texas un festival de rock, de cinéma et de technologies interactives avec des conférences sur l’entreprenariat en NTIC, cela ne peut simplement pas exister car il s’agirait de faire cohabiter des mondes ennemis. Le Creative Ethos ne passera pas chez nous. Remarque : la ville d’Austin est classée ville la plus créative d’Amérique du Nord par l’étude de l’équipe de Richard Florida.

Une alternative française ?

Qu’aurions nous donc à proposer comme alternative  au modèle Californien ?

Un besoin de prendre du recul et prendre son temps avant de proposer une réflexion comme le propose Frédéric Beck dans son très bon billet ?

Je n’y crois pas une seconde. Nous sommes entrés dans l’ère de l’immédiateté. On peut s’en désoler, proposer un jugement et prétendre que c’est mal, se mettre debout sur les freins, cela ne change rien à l’affaire. C’est ainsi. C’est la métaphore du Kayak de Clay Shirky :

Social tools can’t be controlled. They’re just like kayaks : we are being pushed rapidly down a route largely determined by the technological environment. We have a small degree of control and that control does not extend to being able to reverse or even radically alter the direction we’re moving in.

Nous sommes dans le temps court. La réflexion doit s’adapter. Nous ne pouvons pas demander au monde de s’arrêter, demander aux bloggers d’arrêter de publier des billets ou aux tweeters de poster des liens, tout cela pour prendre le temps de la réflexion.

Si la réflexion culturelle française était incontournable au temps long des livres, ce n’est aujourd’hui plus le cas. Quelle est notre réponse à cette disgrâce ?

Internet et l’Histoire

Après le cinéma, la Californie et à travers elle une certaine Amérique (libérale, tolérante, ouverte et créative) a formaté la culture internet à son image et avec ses valeurs.

Lorsque dans plusieurs siècles on se retournera sur cette époque charnière, équivalente dans sa dimension innovante et créative à la Renaissance, la civilisation dont on se rappellera sera celle-ci.

La composante anglo-saxonne de ma position sur le sujet n’est donc un biais, mais plutôt un alignement sur cette réalité : l’Amérique a colonisé notre conscience collective : le réseau.

23 Comments

  1. Salut Cecil!

    Merci pour cette excellent synthese. Etant entre les deux mondes, ce sont aussi des questions que je me suis souvent posees.

    C’est effectivement quand va a SXSW ou quand rencontre les entrepreneurs Nord-Americain qu’on se rend compte de la difference de mentalite.

    Je n’avais pas reussi a mettre le doigt desuss, mais Richard Florida et son Creative Ethos est exactement ce que je peux ressentir ici.

  2. Merci Fred,

    C’est un bouquin fascinant et assez facile à lire. C’est aussi une mine de culture sur le business et sur la classe créative.

    Quand je pense que ce bouquin n’est pas traduit chez nous. En même temps c’est normal : il y est avancé le plus sérieusement du monde qu’informaticien est un métier créatif, assertion qu’il est impossible de faire passer en France.

    Un autre livre que j’ai beaucoup aimé cette année est le Chief Cultural Officer de Grant Mc Cracken sur lequel je vais revenir très bientôt.

  3. Cette article éclaire bien pourquoi la volonté gouvernemental de faire une Valley française à Saclay est un échec assuré.

  4. Très intéressant, comme à l’accoutumée. La Californie peut à juste titre être perçue comme la Toscane de notre époque. Parce qu’elle est ouverte, aux hommes comme aux idées, et qu’elle est un creuset où il savent se fondre.

    Je ne suis par contre pas totalement convaincu par l’idée du temps court. Qu’il y ait plus de réactivité, des changements rapides, c’est évident et cela implique davantage d’adaptabilité, ce qui manque sans doute en France. Mais que le temps soit court ou long, c’est reconnaître en creux qu’il y a linéarité, et que seul change le rythme. Je pense quant à moi, et c’est cela qui est difficile à comprendre, à conceptualiser, que notre époque nous amène à dépasser la conception linéaire du temps pour l’appréhender de façon exponentielle. Mais peut-être est-ce précisément ce que vous vouliez dire ?

    Tremeur Denigot
    http://solution2continuite.wordpress.com/

  5. Cet article est très intéressant. Je pense qu’un capitalisme spécifique émerge en Californie, basé sur les idées du Bauhaus et animé par l’esprit du web. C’est celui, pour élargir, du big G, de Twtr, de FB et d’Apple.

    Quoi qu’on en dise, il est enraciné dans une histoire de plus grande portée, celle des États-Unis, il me semble : quel que soit le potentiel de créativité d’un individu, il hérite de valeurs et d’idées qui le “drivent”. Ainsi, la baseline “Don’t be evil” de Google répond aux aspirations religieuses et protestantes de l’Amérique.

    Ces entreprises, dont l’essor est prodigieux (les gens du MEDEF sont des nains à côté, que ce soit clair), façonnent le monde. Et, en un sens, c’est bien : l’entrepreneur, proche de l’artiste, a toujours quelque chose de surhumain : il impose au monde sa vision des choses. Soit, ça marche, ça marche pas, ça crée de la valeur.

    Mais, ce que nous, usagers ou consommateurs, ne devons pas oublier, c’est que ce besoin viscéral de créer est du côté du producteur : le consommateur, lui, satisfait par sa condition, n’a, littéralement, besoin de rien de nouveau : c’est trop croire au Progrès que de penser le contraire. Il est faux, je suis prêt à le défendre, de dire que les innovations californiennes répondent à des “besoins” existant depuis 4000 ans. Non, ils sont géniaux, mais ils sont contingents. Le Progrès est toujours de surcroît, c’est une cerise sur le gâteau : croire qu’il est “nécessaire” relève de la foi.

    Trop rapidement se plier aux exigences de l’épicentre de la créativité industrielle qu’est la Californie, c’est oublier les voies alternatives qui ne sont que potentielles : oui, c’est sûr, le web pourrait se développer autrement. Un Ipod reste un appareil impossible à customiser parce qu’Apple a, dans ses gènes, des visées “impérialistes”, comme Microsoft en a eues.

    Alors, c’est à nous de faire le tri : il faut dire 100 fois “OUI” à l’esprit démocratique d’entreprise que nous inspire la Californie : que chacun soit le patron, voilà une bonne chose.

    Par contre, n’oublions jamais que le besoin de créer est un acte violent et fort, pas la réponse apportée à un problème supposé en suspension depuis des centaines d’années. Rien n’a jamais été utile ni nécessaire.

  6. Bonjour Cecil,

    Dans ce billet intéressant, une phrase m’a fait sursauter : “… l’intersection de la culture pop et de la culture d’entreprise est tout simplement un territoire fantôme et inhabité.”

    Ce qui c’est passé en début de mois de juillet à Bordeaux (les RMLL : http://rmll.info ), notamment au niveau du thème entreprise, montre plutôt l’inverse; le campus de Talence à fourmillé de monde pendant une semaine.

    De plus en plus de ‘costumes’, coincés et réfléchis, viennent côtoyer les ‘tee-shirt’, bouillonnants d’innovations. J’y ai vu, lors de plusieurs conférences, des amphis remplis de ce mélange improbable initier des échanges qui n’auraient pas été envisageables il y a une dizaine d’année.

    La cause est peut-être à chercher chez les gens de ma génération, marqués par 68, où peu de ceux qui ont adhéré à cette vision décomplexée du futur portée par la vague hippie sont maintenant aux commandes d’entreprises.

    S’il me fallait choisir un exemple parmi les dirigeants (anglo-saxons, puisque je n’en vois pas en France d’un bon calibre), j’ai bien plus de considération pour un Mark Shuttleworth que pour un Steve Jobs. Il à ce soupçon d’éthique qui le rapproche de mes valeurs.

    Ceux-là, s’il ne sont pas des ‘liberals’, sont aujourd’hui des ‘libristes’; et c’est dans cette approche que je verrais la réponse “du vieux continent” (comme dirait D. de Villepin), plus approfondie, et culturellement basée sur des valeurs que même Richard Stallman avoue retrouver dans notre devise nationale (Liberté, Égalité, Fraternité).

    Je trouve cette attitude plus réfléchie et plus adulte, en comparaison de cette énergie, de cette fougue et de cette confiance dans l’avenir, un peu irréfléchie et très ‘adolescente’ qui rendent les américains attachants, fascinants parfois, et … insupportables souvent.

    En fait, ce qui me gène le plus dans le modèle californien dont tu parles, c’est le consumérisme prédominant dont il est entaché. Internet est un formidable lieu d’échanges, de tous les échanges, pas seulement commerciaux, les seuls que les politiques comprennent et tolèrent, car il ne change quasiment rien au monde tel qu’ils souhaitent le voir perdurer.

    A+

  7. Bonjour Christophe, quel plaisir de te lire : ce genre de contribution d’authentique briscard geek est de très grande valeur pour donner corps à ce billet. Je ne savais pas qui etait Mark Stallman et Mark Shuttleworth – merci pour les références. En effet leur contribution au logiciel libre est en tout point remarquable

    Reste que Steve Jobs demeurera le génie de notre époque. Celui qui aura fait advenir le futur. Les geeks luien veulent depuis l’iPhone/iPad avec son système fermé mais ce qu’il a réalisé est incommensurable : ce type a changé le monde et a fait advenir etapes par étapes tout ce dont revait JM Messier au tournant du siècle, un J2M tellement mégalo qu’il a oublié de se concentrer sur l’essentiel : la realisation de sa vision.

    Je t’invite à lire le compte rendu que j’ai écrit sur le retour de la mission AEC Aquitaine sur leur séjour dans la Silicon Valley. La point sur la foi en l’avenir qui y est fait rejoint le tien. Mon sentiment : c’est cette foi qui leur fait soulever les montagnes et leur donne cette volonté de changer le monde. Et c’est cette volonté qui fait qu’ils le changent ! Nous avons une culture cynique et pessimiste et ne comprenons pas cela : c’est bien dommage.

    Il y a dans la culture américaine une culture différente qui fait qu’au lieu de placer l’état au coeur de la société, il place le marché. Ce dernier est le juge ultime de la qualité d’une idée. 37signals est un exemple parfait de cette approche : culture open source à fond, agile jusqu’à l’os mais une obsession : être autonome financièrement. IL ne s’agit pas de consumerisme mais de creer un business autonome et de changer le monde. Je ne partage donc pas ton point de vue.

    Richard Stallman ne pourrait pas survivre une seconde dans notre culture ultra institutionnalisée. Comme bon nombre de hackers, j’imagine qu’il est foncierement libertaire : il ne comprendrait pas du tout la centralisation des pouvoirs, l’obsession des statuts etc …

    Je ne connais pas la manifestation rmll.info. Je ferais bien de me renseigner un peu mieux …

    Mille mercis pour ce splendide commentaire !

  8. Thibaud,

    Merci pour votre commentaire très riche.

    Je ne partage pas tout à fait votre point de vue. Tout d’abord je ne vois pas vraiment l’influence du Bauhaus sur la culture de la Silicon Valley et c’est la première fois que j’entends ce rapprochement. Il demeure cependant probablement tout à fait pertinent, mais cela va demander quelques explication supplémentaires …

    Ensuite sur la nécessité de ces outils. Google et Facebook sont des outils prodigieux qui aident à faire sens dans la complexité du monde d’aujourd’hui. C’est un besoin qui a été formulé par les entreprises elles-mêmes. Respectivement : celui de pouvoir trouver en 600ms des informations pertinentes dans l’océan d’informations offertes à nous et b) de pouvoir échanger en temps réel des informations et media avec les gens qui nous sont plus ou moins proches. Ils ne l’ont jamais demander mais si vous aviez promis Google à Socrate ou à Newton, pensez vous qu’ils en auraient voulu ?

    Au delà des individus, c’est surtout nos sociétés avancées qui ont besoin de ces outils. Dans nos sociétés, la connaissance et l’innovation sont les sources principales de la richesse. Ces outils permettent de partager la connaissance et de nourrir l’innovation à des échelles inédites.

    Enfin pour ce qui est de la relation entre la résolution de problèmes et l’innovation j’ai aussi une vision plutôt opposée. Je vous invite à parcourir ce billet d’hypertextual sur l’innovation : la notion de problème à résoudre est très très souvent au coeur de la démarche des grands inventeurs.

    Merci encore pour votre contribution.

  9. Bonjour Tremeur,

    Merci pour votre réponse.

    Dans le temps court je veux insister sur le fait qu’entre le moment ou une information est diffusée et le moment où elle suscite du retour, il s’écoule très peu de temps.

    Quand on voit le temps qu’il nous a fallu pour réaliser que Sartre était un intellectuel très moyen, je me dis que le temps long des livres etait parfait pour les imposteurs.

    C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Nous sommes dans un flot continu d’information filtré et validé par les foules. Les hoax n’ont pas très longue vie.

  10. Richard Matthew Stallman (pas Mark 😉 surnommé “RMS” est “simplement” le père, avec Eben Moglen, de la licence GPL et du projet GNU; premières pierres de l’édifice connu aujourd’hui sous le nom de Logiciels Libres (ou FLOSS). Et si RMS, l’homme, est peu adapté à la “culture ultra institutionnalisée”; son œuvre est en train de faire tâche d’huile.

    Tu sais que plus de la moitié des serveurs de la planète tournent avec du logiciel libre; quant à l’infrastructure d’Internet (serveur web, dns, routeurs, etc.), c’est presque tout qui en dépend !

    A tel point que les éditeurs traditionnels, Microsoft en tête, traitent la menace avec le plus grand sérieux et leurs méthodes habituelles (FUD et marketing).

    Gandi (le Mahatma, pas le registrar) disait en parlant de la répression sanglante de son opposition non-violente : “D’abord ils vous ignorent, puis ils vous raillent, ensuite ils vous combattent, et enfin, vous gagnez”. Les relations entre les logiciels libres et propriétaires est rentrée dans la phase 3 il y a quelques années.

    Ah, sinon, une dernière chose; Steve Jobs est un génie … du commerce. Avoir des idées pour créer des besoins solvable, c’est du marketing, pas de l’informatique. Sans le ‘Magicien Woz (Steve Wozniak, inventeur de l’Apple II) et d’autres hackers de génie; il n’aurait rien à vendre.

    Et questions idées, d’autres en ont de bien plus sexy :
    http://www.numerama.com/magazine/16890-mozilla-labs-imagine-le-smartphone-du-futur-avec-seabird.html

    Quant aux RMLL (Rencontres Mondiales du Logiciel Libre), elles auront lieu en 2011 à Strasbourg (cette année, c’était sur Bordeaux); on s’y croisera peut-être.

  11. Christophe,

    Merci pour ces précisions. Je sais bien évidemment que sans le logiciel libre le web ne fonctionnerait pas, les banques ne fonctionneraient pas, un grand nombre d’institutions publiques (dont le site des impôts qui tourne sous Spring sur JBoss). Je n’ai pas remis en cause une seule seconde la contribution de la communauté open-source au monde d’aujourd’hui.

    Steve Jobs est LE génie de notre ère. Avec sa vision (iPod, iPhone, iPad etc …), il a mis le futur à portée de main de tous.

    Que ces compétences soient techniques ou deisgn ou autre chose on s’en fiche. C’est lui qui a eu cette vision et qui s’est assuré de sa mise en oeuvre. L’innovation n’est pas seulement technologique. Elle est aussi usabilité, business model etc …

    Une enquête très interessante de l’INSEAD sur l’innovation montre que celle-ci est articulée autour de 5 axes : Association, Observation, Eperimentation, Questions et Réseautage. L’article montre la formidable capacité d’association de Jobs. Il n’a pas inventé l’écran tactile mais l’objet le plus sexy et le plus disruptif qu’on puisse imaginer autour cette techno : l’iPhone. Il n’a pas inventé le mp3 mais l’iPod etc …

    Encore une fois : ce type est milliardaire dans 4 industries. On peut le devenir par inadvertance dans une ou 2 mais pas 4 !

    Après je comprends bien que depuis ta position de geek entièrement dévolu à la cause du logiciel libre, tu aies une dent contre Jobs et Apple. D’ailleurs hypertextual en parle ici (pas de toi mais du divorce de la communauté geek d’avec Apple).

    La machine à café globale est très fréquentée cet après midi on dirait bien …

  12. Je comprends mieux. Vous parlez d’écho, rapide, je parlais d’accélération.
    Pour ce qui regarde Sartre, au delà du bon mot (qui m’a fait bien rire), le temps de réaction était de son temps d’autant plus long que les moyens de diffusion de l’information, les commentaires, les critiques et réflexions sur l’auteur, étaient alors en nombre bien moins grand, et moins accessibles qu’aujourd’hui. Puisqu’il y avait moins d’échange, de confrontation, de contradiction, il y avait aussi sans doute moins d’intelligence collective à l’oeuvre. Il est donc aussi question de volume dans cette affaire, pas seulement de rythme. Internet, c’est aussi cela. Le champ réservé aux experts, qui tendent bien souvent au consensus, fussent-ils dans l’erreur, se délite, s’ouvre, et par la contribution d’un plus grand nombre, les solutions trouvées contribuent à un plus grand nombre.

  13. Vous re-dites : “Steve Jobs est LE génie de notre ère. Avec sa vision (iPod, iPhone, iPad etc …), il a mis le futur à portée de main de tous.”

    Alors, question à laquelle je ne vous demande pas de répondre : pourquoi se casser le cul à écrire un billet sur une éventuelle alternative au modèle californien ? Tout va bien, non ? Comme une petite piqûre de moustique derrière le cou peut-être ?

    Faut pas chercher à débattre pour débattre tout le temps, parce que c’est “2.0”, pour la forme.

  14. Thibaud,

    Pour tout vous dire, je pense que je vais faire un billet sur ce sujet.

    Allons, a) c’est de l’enthousiasme b) Christophe est un ex-collègue et me connais bien c) cela ne vous était pas adressé : j’ai du mal à comprendre pourquoi vous vous emportez ainsi. Je mets cela sur le compte de l’enthousiasme…

  15. Tout à fait d’accord : Ce volume contribue à l’effet d’instantanéïté tel que je l’évoquais. l’effet boule de neige d’une contribution de plus en plus importante est adressée par le dernier ouvrage de Clay Shirky : Cognitive Surplus.

  16. Bonjour Cécil,

    Merci tout d’abord pour cet excellent article – et d’ailleurs pour ce blog que je découvre, et qui change tellement des écrits nombrilistes et plein de vacuité qu’on peut lire ailleurs…notamment dans mon milieu qui est celui des marketeux-communicants !
    Quelques éléments déculpabilisants de réflexion : déculpabilisants, j’insisterai sur le terme, car si nous avons tous une part de responsabilité dans l’absence ou les non-conditions de possibilité du creative ethos en France, il me semble important de mentionner aussi deux points consubstantiels au “système français”.
    1/ la lourdeur face à l’entrepreneuriat.
    Ou globalement, face à la plupart des initiatives individuelles.
    Je schématise et je simplifie, mais, dans de nombreux cas, rien n’est simple en France. Très vite, l’individu, tout aussi pro-schumpeterien qu’il puisse être, se retrouve confronté à la complexité et à la rigidité kafkaïenne de l’administration.
    2/ l’éducation
    On est encore dans un vieux, très vieux modèle où la créativité n’est pas encouragée. Pire, on retient avant tout qu’il faut apprendre (sans savoir pourquoi) et surtout qu’il ne faut pas copier sur les autres ou les laisser ces derniers copier sur nous.

    Et il y en a sûrement d’autres qui empêchent une éventuelle alternative au modèle que tu décris…

  17. Bonjour Maud,

    Merci pour ce commentaire. Je te rejoins en effet sur ces 2 points. Au delà de la lourdeur face à l’entrepreunariat (qui s’est tout de même allégée sur ces dix dernières années en particulier pour l’auto-entreprenariat) il y a en france une vraie diabolisation de l’entreprise : un lourd héritage culturel.

    Pour ce qui est de la créativité, ce n’est pas qu’en France qu’on a un problème avec l’école. Je t’invite à regarder cette formidable présentation de Sir Ken Robinson à TED : https://ceciiil.wordpress.com/2009/10/02/god-bless-http-sir-ken-robinson/

  18. Cecil, je n’ai pas encore lu le dernier Shirky (référence assez incontournable, il est vrai). Mais je partage son point de vue sur le temps perdu passivement devant l’écran de télé et préfère bien entendu l’interactivité du Web. Sa remarque s’applique toutefois aussi à certains livres, voilà pourquoi j’attendrai que vous fassiez une critique de son ouvrage avant de me décider à le lire ou pas 😉

  19. Je découvre tout juste votre blog, qui fait écho à une réflexion qui m’habite en ce moment. Venant d’un horizon différent, votre opinion de Steve Jobs me fait bondir : “Steve Jobs est LE génie de notre ère. Avec sa vision (iPod, iPhone, iPad etc …), il a mis le futur à portée de main de tous. […] Encore une fois : ce type est milliardaire dans 4 industries. On peut le devenir par inadvertance dans une ou 2 mais pas 4 !”. Le génie s’évalue-t-il en milliards de dollars de gains ? est-ce que c’est vraiment ça, “créer de la valeur” ?

    Il me semble que Steve Jobs n’a fait qu’étendre massivement la logique du marketing à la sphère des TIC, c’est-à-dire créer un besoin qui n’existait pas jusqu’alors, et ce (c’est peut-être un détail mais j’y suis sensible) avec une image “greenIT” totalement injustifiée (matériaux polluants, performance médiocre en matière de recyclage, obsolescence programmée…). Cela ne me semble pas très “responsable” en temps de crise écologique. (je suis définitivement française…)

    Par ailleurs, qui sont les “tous” entre les mains desquels Steve Jobs est sensé avoir mis le “futur” (Internet sur le téléphone et des applications providentielles ! Que de perspectives d’épanouissement !!!) ? 629 euros l’iPhone4, soit mon budget mensuel d’étudiante ! La moitié de la population mondiale vit avec moins de 2$ par jour… Mais encore une fois je suis définitivement française et engagée…

    Je pense que l’économie de la contribution (qui se développe avec les logiciels libres, les FabLab…), qui transforme radicalement le rôle de l’individu, dépasse le clivage entre designer et consommateur et ce-faisant lui redonne pouvoir et maîtrise sur son environnement, est bien plus passionnante et “géniale”.

  20. Bonjour Diane,

    Merci beaucoup pour votre commentaire.

    Afin d’éclaircir le débat, quelques définitions du génie selon le petit robert :
    – aptitudes innées, dispositions naturelles, aptitudes remarquables
    – aptitude supérieure de l’esprit qui rend quelqu’un capable de créations, d’inventions, d’entreprises qui paraissent extraordinaires ou surhumaines

    Le point essentiel ici : il n’y a pas de jugement moral. Et en cela vous être très française : vous mettez un jugement moral partout. Je ne dis pas que ce qu’il a fait est moralement bien, je ne dis pas que c’est un chic type. Je dis que ses inventions, son incroyable faculté à transformer le plomb de la technologie en or d’objets sociaux-culturels pour un succès prodigieux, cela relève du génie.

    Je connais beaucoup de hackers et de personnes investies dans le logiciel libre. Je peux vous dire que dans la grosse majorité de ceux que je connais utilisent des appareils Apple. Pourquoi ? Parce que ces appareils sont “pensés” comme objet unique plutôt que comme assemblage de machines et de logiciels. Du coup ce sont des outils mile fois plus faciles et agréables à utiliser. Comme dirait l’immense Steve, “Design is not how it looks but it’s how it works” ou encore “if you want to be serious about software you have to be serious about hardware”.

    Je vous souhaite une belle année 2012 et beaucoup de réussite dans vos études.

Leave a comment