Management.fr Vs 21ième siècle : le coût de la hiérarchie et du contrôle

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Lorsque je suis arrivé à Londres pour travailler au sein de la DSI de British Airways, j’ai été triplement étonné.

D’une part mes managers (N+1 et N+2) étaient toutes deux des femmes. D’autres parts elles n’avaient pas de diplômes en informatique. La première avait une maitrise en littérature française (et avait réalisé son mémoire sur La Recherche Du Temps Perdu de Marcel Proust : respect). La seconde était diplômée en histoire.

Enfin, j’encadrais un brillant développeur, diplômé de Cambridge. En tant que Bac +2 arrivant du pays ou 27% dirigeants de grandes entreprises sortent de polytechnique, voilà qui était particulièrement surprenant.

Un peu à la manière de la problématique de la représentation des minorités, cette expérience Londonienne a fait que depuis lors je garde une distance particulière avec les méthodes de management de mon pays.

Je me demande si ce management est adapté à notre siècle où le travail est mobile, connecté, complexifié par les multiples ramifications des réseaux. En croisant une étude de management interculturel avec une étude récente du Centre d’Analyse Stratégique et un rapport de Cisco, cette question se révèle particulièrement pertinente …

Right now, your company has 21st-century Internet-enabled business processes, mid-20th-century management processes, all built atop 19th-century management principles. (Gary Hamel – The Future Of Management)

Etude interculturelle @IBM

Geert Hofstede a réalisé une étude dans les années 80 dans diverses filiales d’une grande multinationale. Cette étude visait à démontrer que la culture d’entreprise ne pouvait pas être la même dans toutes les filiales car elle ne faisait nullement disparaître la culture nationale ; dans le meilleur des cas, elle se juxtaposait à elle.

Dans le cadre de cette étude, Hofstede mesure les distances hiérarchiques des différentes filiales. Pour un indice médian de 57, il mesure des distances hiérarchiques faibles dans les pays scandinaves (moins de 31) et anglo-saxons (moins de 40) et élevé en France (68).

Dans cette même étude, Hofstede mesure le contrôle d’incertitude.

Le contrôle faible suppose davantage d’acceptation des situations comme ambiguës, réversibles dans leurs malheurs et leurs bonheurs. Les personnes sont acceptées comme pouvant changer d’humeur et de décision. Le contrôle fort veut s’appuyer sur des bases assurées qui peuvent aller de précautions concrètes à des précautions juridiques voire religieuses. Le contrôle fort est très en rapport avec le développement de la culture scientifique et technique

Encore une fois, la France se classe en haut du tableau avec un contrôle fort de l’incertitude (un score de 86) tandis que les pays anglo-saxons (35) ou nordiques (moins de 30) affichent des résultats faibles attestant d’un contrôle faible de l’incertitude.

Hypertextual a déjà longuement expliqué dans quelle mesure cette obsession du contrôle est handicapante lorsque la confiance est essentielle pour fluidifier la collaboration entre travailleurs de la connaissance. Et comment la primauté de la hiérarchie va à l’encontre des valeurs ayant emergé de la culture collaborative internet, cette méritocratie transparente dont Alexander Bard vante les vertus dans les Netocrates.

Développement numérique.fr

Le rapport  “Le Développement numérique de la société de demain” commandité par Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique semble laisser peu de place à l’interprétation :

Depuis au moins dix ans, la France est en retard sur les principaux pays de l’OCDE en matière de développement du télétravail (notamment dans l’administration), quelles que soient les sources ou les approches statistiques. Dans les pays scandinaves et anglo-saxons notamment, il concerne deux à trois fois plus de salariés.

Un des principaux leviers pour le développement du télétravail en France (…) : une évolution de la culture managériale française en lien avec des transformations des modes d’organisation du travail et de la production pour les adapter à l’économie de la connaissance.

Il est particulièrement intéressant de voir la symétrie entre les résultats remontés par le Centre d’Analyse Stratégique (que l’on pourra difficilement taxer de déclinisme), auteur de ce rapport, et ceux de Hofstede sur les notions de hiérarchie et de contrôle.

Economics of Collaboration

On pourrait penser qu’il ne s’agit que d’un détail. Mais ce détail a un coût. Cisco a ainsi publié un rapport intitulé the The Economics of Collaboration, et dans lequel l’entreprise explique comment en mettant en oeuvre des outils collaboratifs et en facilitant la mobilité des employés avec entre autres une démocratisation du télétravail, celle-ci a obtenu des résultats étonnants :

Cisco IBSG analysis shows that Cisco realized net benefits of $691 million/year through its Web 2.0 and visual collaboration investments in FY08. (…) These benefits represent a 4.9 percent productivity increase for Cisco. We believe this is just the beginning of the value creation we will see around the new collaborative web.

The monetary benefits, however, only tell only half the story. These solutions achieve their remarkable benefits by removing the costs and inefficiencies with which our employees have been struggling. Eliminating these inefficiencies not only brings financial benefits to the company; it also increases employees’ work/life balance, reduces stress and fatigue from extensive travel, and increases job satisfaction.

Voilà le genre de bénéfices et d’avantage compétitif à côté desquels passe un management obsédé par la hiérarchie et le contrôle.

3 Comments

  1. Le management à la française se passe de la confiance bien souvent, avec une nécessité du contrôle. Bien que la confiance n’exclut pas le contrôle, bien sûr, mais poussé à l’extrème nuit bien aux rouages internes d’une société, ou économie locale.

  2. Bonjour jmr,

    Merci pour ton commentaire. Ce qui est très intéressant dans cette histoire c’est qu’en gros, et pour des raisons culturelles et sociétales, le management français présente tous les défauts que tente d’éliminer l’entreprise 2.0. Et ces défauts sont présents chez nous dans leur version la plus aigüe, la plus prononcée, la plus saillante.

    Du coup l’entreprise Française est un splendide specimen de laboratoire dans l’étude de l’adoption 2.0.

  3. Manager Mieux et donc (faire) travailler Mieux est Le préalable à la performance, à l’Innovation et à l’engagement des équipes pour agir efficacement à la mise en œuvre d’une stratégie (des objectifs et des projets).

    On ne pourra répondre à cet enjeux qu’en apportant des réponses multiples (organisation, outils, procédures, formations, …) opérationnelles (les plus grosses réserves de performances reposes sur l’Homme de terrain) et pragmatiques (faire simple).

    Dans ce contexte les outils (2.0 ou non) doivent apporter une contribution majeure aux managers (quel que soit leur niveau sur la ligne hiérarchique) qui ne pourront poursuivre avec des bricolages sur des tableurs, des mails ou des outils de partage de fichiers comme depuis 20 ans. (on devra alléger et fluidifier le contrôle !)

    Les outils devront aider à donner de la visibilité sur les actions à mener, piloter et consolider ses actions très simplement, gagner du temps en s’affranchissant des relances inutiles et si conflictuelles, responsabiliser tout en restant à l’écoute des idées …

    Les technologies devront aider à travailler Mieux en donnant du sens à l’Action ! C’est dans ce sens aussi que devront œuvrer les solutions 2.0.

    Olivier
    http://www.efficeo.com

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